Sonate 2, Labyrinthes, Sonate 1

Jean-Paul Liardet – Jacques Després (piano)

Sonate n°2 Seattle Sonata (1998), dédiée à Jacques Després

 I. La grande chaconne méditative du premier mouvement (Adagio ma non troppo) conduit progressivement au paroxysme de la cadence, exprimant la révolte du compositeur devant les injustices et les misères du monde, modules sonores contrastant avec la rigueur presque monacale du début et de la troisième partie qui s’apaise en une acceptation. 

II. Le deuxième mouvement (Allegro vivace) est fait de bruissants clusters animés par de petits éléments mélodiques qui surgissent soudain, puis disparaissent : fragments, éclats, réminiscences,. Tout cela est pris dans un raz-de-marée de sons qui se suspend plusieurs fois, comme un arrêt sur l’image. 

III. Le troisième mouvement (Molto Lento) nous plonge dans un univers pacifié et aérien. Les troubles existent encore, mais ne nous atteignent plus. Le passé est mort, le présent est lisse, à peine ondulé par quelques souvenirs troublant le silence. 

IV. Constitué d’un très long cluster entre les sons aigus et les médiums tendus à l’extrême, comme une agitation pétrifiée, le quatrième mouvement (Molto Vivace) est un kaléidoscope de rythmes imperceptibles et de couleurs à la rotation si rapide que tout semble immobile. Noyau fixe au centre de l’agitation d’électrons, derviche hiératique autour duquel le monde tourne et s’affole. 

 

Labyrinthes Suite n° 2 (1991), dédiée à Rosmarie Burri, et aux enfants du compositeur, Fabrice, Jasmine et Florent Liardet

La musique de Jean-Paul Liardet s’imprègne de son époque et de celles qui la précèdent. Les allusions à Bach, Schubert, Chopin, Schœnberg, Schostakovitch, Ligeti, mais aussi au jazz, à la pop, sont évidentes. Toutes ces influences librement consenties concourent à un travail de synthèse qui ouvrira peut-être une voie à la muique de demain. D’où le titre de la Suite n°2, Labyrinthes du passé, ressacs du futur

I. Flo (Largo)
Genèse de la Suite. Grand espace désertique, rareté des événements sonores, à la limite de l’immobilité. 

II. Choral (Andante)
Toujours autour de la pédale de do du premier mouvement, voici qu’un choral s’anime, d’abord à deux, puis à trois et à quatre voix, étrange choral atonal, indéfinissable, qui se cherche et tente de se développer poufinalement servir d’ouverture au fugato. 

IV. Fa (Allegro)
Fugato assez libre, plein de sous-entendus, pour son fils aîné, déjà bon pianiste à l’époque de cette composition. 

V. Ja (Andante)
Ronde, comptine, nostalgie de l’enfance.

VI. Ostinato (Très allant et rythmé)
Clin d’œil, allusion au jazz, appels de cuivres, jeu de contrebasse et de percussions. 

VII. Rom (Moderato
Une seule phrase, large, simple, élégante, qui se termine par un point d’interrogation.

VIII. Mikrodavidsbündler (Andante)
Hommage à peine démarqué à Robert Schumann.

XIX. Nocturne (Vivace)
Comme un lied, avec ses strophes, ses cris, ses apaisements. 

X. Dark Dance (Poco Lento)
Danse lourde et brumeuse d’images du passé. 

XI. Chant (Lento)
Après les images, les souvenirs, s’installe le calme, une sorte de bonheur tranquille, avec encore quelques réminiscences des pièces qui précèdent.

 

Sonate n°1 Nocturne (1967, révision 1976), dédiée à Sylvie Liardet-Guibert

Œuvre de jeunesse, la Sonate n°1 montre que le langage de Jean-Paul Liardet, même s’il a évolué, même s’il s’est épuré, est resté homogène tout au long de sa carrière. 

I. Les deux thèmes du premier mouvement (Allegro), en forme sonate, sont contrastés selon la tradition : le premier rythmique, masculin, construit sur une série utilisée harmoniquement, le second lyrique, féminin, sorte de blues sophistiqué. 

II. Le Nocturne I (Adagio) est d’écriture concise; les lignes restent en mémoire, comme des rémanences sur une plaque photographique. 

III. L’Intermezzo (Andante) est le centre de gravité de toute la sonate. Il est à la fois libre – sorte de grand récitatif déclamé – et d’écriture stricte, proche du pointillisme sériel. 

IV. Hold (Allegretto energico) joue sur les harmoniques du piano excitées par le rythme implacable de la basse. 

V. Nocturne 2 (Adagio), symétrique au premier Nocturne, apaise les traits nerveux de l’Intermezzo. 

VI. Le Final (Allegro vivace), très sonore, très rythmé, est un fugato endiablé à la limite des possibilités pianistiques, dans lequel Després démontre une virtuosité impériale.