The Piano Sonatas

Jean-Paul Liardet – Olga Riazantceva-Schwarz, piano

Sonate 1 « Classique »
Avec l’exposition d’un thème rythmique, laissant transparaître le dynamisme d’une énergie toute masculine et un second thème dont les courbes mélodiques féminines nous charmes subtilement, son premier mouvement se rapproche de la forme sonate classique. Liardet était à ce moment-là, peut-être, encore teinté par les influences des maîtres anciens ; cette sonate ayant été composée à la fin de ses études.
L’ensemble des 5 mouvements sont construits sur des bases sérielles, mais organisés plus librement.
Voici une sonate joyeuse, dansante et décomplexée, qui nous emmène avec ferveur dans l’univers du compositeur. 
Sa création eut lieu en 1974, pour le Studio de musique contemporaine de Genève, sous les doigts de la flamboyante Suzanne Husson, pour laquelle A-B Michelangeli ne tarissait pas d’éloges.  

Sonate 2 « Post Tenebras Lux » 
1. Calme et sombre, l’introduction laisse la place à une musique qui, dans un mouvement de rage, de colère et de révolte s’accélère progressivement. 
L’écriture classique s’ouvre, comme dans la Messe et le Requiem, sur un mouvement aléatoire qui va offrir au pianiste une lucarne de liberté basée sur des modules écrits. Puis deux lignes mélodiques s’estompent, et finiront d’apaiser le mouvement. 
2.Dans une approche quasi post-romantique, Liardet utilise des clusters animés qui vont constituer la base du second mouvement.
Leurs textures nébulisées engendrent un climat à la fois contemporain et mélancolique. Une vision diaphane et évocatrice nous saisis alors. 
3.  Nous sommes juste avant le lever du jour, dans l’atmosphère flotte une incertaine sérénité. Au loin, une entrée dans un sous-bois ; sombre. Que s’y passe-t-il exactement ?  
4. Le feuillage qui bruisse, sous la brise matinale, laisse délicatement passer le soleil.
Le jour se lève. 
Progressivement, la lumière se fait révélatrice d’un désordre heureux. 
Les motifs, qui semblent tous semblables, subissent un léger décalage entre les vitesses d’exécutions et créent, comme par mimétisme, un univers fait de hasard et chatoyant, proche de celui de la nature.
Création à la Washington University de Seattle par Jacques Desprès en 1999.

Sonate 3 « Sarcastique »
Touché par un deuil, le compositeur laisse transparaître une partie des sentiments qui ont pu le traverser dans cette période difficile et fragilisante.   
La désillusion y côtoie le désespoir, les repères sont ébranlés, les perspectives teintées de noir. 
C’est l’âme blessée, le cœur brisé que Liardet poursuit l’inexorable immersion que la composition exige, tout en subissant les assauts de la raison qui souhaitait tant s’extirper à cette douleur.  
C’est d’ailleurs un véritable et déchirant cri de douleur que Liardet nous propose dans le premier mouvement. Comme un hurlement de colère, exhortant qui de droit de rétablir l’équilibre que l’on estime juste, et qui participait au nôtre. 
Dans un deuxième mouvement ironique, le compositeur dépeint une galanterie surannée qui, tout en s’envolant dans un brouillard léger, surprend l’auditeur chargé d’émotions contradictoires.   
Avec ce troisième mouvement, nous retrouvons le calme et la douceur que peuvent procurer l’espoir d’une oasis à laquelle l’âme pourrait s’abreuver.
Puis nous entrons subitement dans un monde burlesque, dans lequel l’humour, très souvent salvateur, flirte avec le sarcasme et où les divas dansent le ragtime avec des ténors en ballerines. 

Sonate 4 « Swing Nostalgie »
Le Swing, en tant qu’émanation du Jazz, donnera naissance à des univers foisonnants, allant du style Cool au Bebop. C’est une musique d’ouverture et de synthèse, englobant des recherches harmoniques de plus en plus audacieuses qui se verront conduites avec brio, par Thelonious Monk et Miles Davis notamment, vers l’évidence la plus épurée.  
Dans son parcours, Liardet a toujours entretenu un lien étroit avec le monde du Jazz. En voici un échantillon. 

Sonate 5 « Grande sonate romantique »
Nous sommes comme pris par la main par le compositeur lui-même, qui nous emmène dans ses souvenirs, son parcours, et plus particulièrement ses influences.
Dans un balayage panoramico-stylistique, allant du baroque à la musique contemporaine, les emprunts et les évocations se mêlent à un style qui reste fondamentalement organique, renforçant ainsi la puissante sensation d’unité qui se dégage de cette intégrale. 

Sonate 6 « Télomères »
A l’origine écrite pour un ballet « Danse des Télomères » qui n’a pas été terminé, elle est à la fois méditative, impressionniste et polyphonique (canon de l’Allegro). C’est probablement la plus libre et la plus pétillante des sonates que le compositeur nous livre ici. Proche d’une grande improvisation – imaginez la rêverie et la poésie dansant et virevoltant autour d’un feu de joie – Liardet semble s’être affranchi des règles qu’il s’était lui-même imposées pour se livrer à une sorte d’explosion kaléidoscopique.